INTERVIEW DE BERNARD GIRAUD SUR LE NOUVEAU FONDS LCF3 :
« Le modèle d’investissement Livelihoods a maintenant une maturité suffisante pour changer d’échelle »

Avec 10 ans d’expérience d’investissements carbone dans de grands projets en Afrique, Asie et Amérique Latine, Livelihoods lance un nouveau fonds à impact pour répondre aux besoins des entreprises et des investisseurs financiers. Nous avons interviewé Bernard Giraud, Président Co-fondateur de Livelihoods Venture.

« Nous avons lancé un premier Fonds Carbone en 2011, avec l’ambition d’accompagner les entreprises dans leur démarche neutralité carbone, tout en préservant les écosystèmes naturels et les communautés les plus vulnérables face au réchauffement climatique. Notre modèle d’investissement repose sur l’accompagnement des entreprises engagées pour le climat et qui souhaitent des crédits carbone à forte valeur sociale et environnementale. »

Bernard Giraud, Président Co-Fondateur de Livelihoods Venture.

Pourquoi un nouveau Fonds Carbone Livelihoods ?

Bernard Giraud : « Nous assistons à une forte accélération des besoins des entreprises qui prennent des engagements de neutralité carbone et doivent combiner des objectifs de réduction de leur empreinte carbone et de compensation des émissions qu’elles n’ont pas encore pu réduire. Le secteur financier commence également à s’engager, en recherchant des investissements qui génèrent une rentabilité satisfaisante avec un fort impact environnemental.

Les Fonds Carbone Livelihoods ont développé une solide expérience d’investissements à grande échelle dans ce qu’on peut appeler les « infrastructures vertes ». Nous avons lancé un Premier Fonds Carbone en 2011, avec l’ambition d’accompagner les entreprises dans leur démarche neutralité carbone, tout en préservant les écosystèmes naturels et les communautés les plus vulnérables face au réchauffement climatique. Notre modèle d’investissement repose sur l’accompagnement des entreprises engagées pour le climat et qui souhaitent des crédits carbone à forte valeur sociale et environnementale.

Avec les entreprises partenaires de Livelihoods, nous avons construit un modèle robuste qui a permis à nos deux premiers Fonds Carbone de surperformer. Le nouveau fonds LCF3 qui sera créé en 2020 va permettre d’accélérer et de faire bénéficier entreprises et investisseurs financiers de cette opportunité. »

Qu’est-ce qui différencie Livelihoods d’autres fonds à impact ?

Bernard Giraud : « La solidité de nos projets repose sur l’implication des communautés qui bénéficient des investissements de Livelihoods dans des projets de restauration d’écosystèmes naturels, agroforesterie, agriculture régénératrice et énergie durable. Nous n’investissons que lorsque nous sommes convaincus que le projet sera porté dans la durée par des populations locales intéressées et par des partenaires locaux qui ont démontré leur capacité à réussir de tels projets.

Nous pré-finançons les actions nécessaires pour planter des millions d’arbres, former les agriculteurs, restaurer les sols, produire et commercialiser des solutions durables d’énergie rurale. Tous les bénéfices reviennent aux communautés locales, qu’il s’agisse du poisson produit par les mangroves restaurées en Afrique ou en Asie, du café ou des fruits des vallées d’Araku en Inde. En échange de son investissement, le Fonds Livelihoods reçoit des crédits carbone audités et certifiés aux meilleurs standards internationaux.

Notre spécificité est d’avoir associé étroitement les entreprises qui ont investi dans nos fonds et qui reçoivent les crédits carbone générés par les investissements. Les investisseurs des Fonds Livelihoods peuvent participer à la gouvernance des fonds et connaissent bien les projets. Ils sont donc en situation de suivre très précisément la qualité des investissements et leurs impacts, à la différence d’un achat de crédits sur les marchés carbone. »

Dans ce nouveau fonds carbone, LCF3, que proposez-vous aux investisseurs corporate et financiers ?

Bernard Giraud : « LCF3 peut intéresser deux types d’investisseurs : les entreprises qui ont besoin de crédits carbone pour leur compensation, les investisseurs financiers qui cherchent des investissements à impact.

Une entreprise qui investit en equity (en capital) dans le fonds Livelihoods reçoit annuellement des crédits carbone de haute qualité environnementale et sociale à leur coût de production et proportionnellement à son investissement dans le fonds. En retour, elle bénéficie d’un mix de crédits carbone issus d’un large portefeuille d’investissements, ce qui permet de mutualiser les opportunités et les risques. Le nouveau Fonds Carbone Livelihoods (LCF3) permet également aux entreprises de prendre des engagements d’achats auprès des investisseurs financiers et de combiner investissement en equity et achat de crédits carbone. Ainsi, l’entreprise a la possibilité de programmer dans le temps ses approvisionnements en crédits carbone en fonction de ses objectifs de réduction et de compensation en choisissant ce qu’elle souhaite investir en equity et en achats.

Les investisseurs financiers qui investissent en equity dans le fonds LCF3 bénéficient quant à eux d’un mécanisme de distribution annuelle de dividendes qui leur assure une rentabilité satisfaisante. Les investisseurs financiers sont protégés des risques de fluctuation des prix des marchés carbone car tous les crédits carbone générés pas leur investissement dans LCF3 sont pré-achetés par de grandes entreprises selon un mécanisme de prix pré-négocié au démarrage du fonds, assurant un bon équilibre des intérêts entre investisseurs financiers et acheteurs corporate ».

Au-delà de l’impact carbone, quels sont les autres impacts des investissements Livelihoods ?

Bernard Giraud : « En premier lieu, nous apportons un grand soin à la mesure et à la vérification de l‘impact carbone de nos investissements. Nous travaillons pour cela avec un réseau d’organismes spécialisés dans la certification des crédits carbone selon des méthodologies reconnues internationalement. Tous nos crédits sont certifiés Gold Standard ou Verra, qui sont les principaux standards du carbone volontaire.

Au-delà du carbone, l’objectif de nos projets est de générer un fort impact social, environnemental et économique pour les populations impliquées. Pour chacun des projets, nous sélectionnons quels Objectifs de Développement Durable des Nations Unies (ODD) seront impactés et nous mettons en place des objectifs et des critères de mesure. Par exemple, notre projet de restauration de mangroves au Sénégal, lancé en 2009, a permis de planter 80 millions d’arbres, sur 10 000 hectares, soit la surface de la ville de Paris. Sur 20 ans, le projet permettra de séquestrer  environ 800 000 tonnes de carbone, mais aussi d’améliorer la vie des populations locales dans 450 villages. En 2018, une étude menée par La Tour du Valat, un organisme scientifique spécialisé dans les écosystèmes marins et côtiers, a permis de mesurer les impacts sociaux et économiques de la restauration de la mangrove :  forte augmentation des ressources en poissons et crustacés (4 200 tonnes supplémentaires par an), restauration des rizières protégées de la salinisation des terres, augmentation des revenus pour les pêcheurs, groupes de femmes, agriculteurs. Un point important : l’appropriation de ce projet par les communautés et le sentiment de fierté a été très fortement exprimé par les 800  villageois qui ont participé aux enquêtes. Cette appropriation est un élément clé, au coeur des projet Livelihoods. »

Quels sont les facteurs-clé de succès des Fonds Livelihoods et quelle est la gestion des risques ? 

Bernard Giraud : « Nous choisissons méthodiquement les projets et les partenaires avec lesquels nous investissons. Livelihoods Venture qui est la société chargée contractuellement d’identifier et d’assurer le monitoring a développé une réelle expertise dans ce type de projets. L’équipe de Livelihoods Venture compte une vingtaine de spécialistes, agronomes, forestiers, spécialistes du carbone, financiers, qui ont tous une forte expérience terrain dans les pays où nos fonds opèrent. Chaque projet nécessite entre 6 mois et un an de structuration technique et financière avec les partenaires locaux avant d’être présenté au Comité d’Investissement du Fonds.

Nous appliquons des règles rigoureuses définies avec les investisseurs de nos fonds : diversification des risques géographiques, des catégories de projets, des partenaires. Nous veillons à diviser la mise en place des projets en différentes phases dans le temps, ce qui permet de vérifier les réalisations et d’établir un suivi proche des projets sur le terrain par les équipes Livelihoods. »