Interview : Comment une ONG peut-elle engager une transformation sociale avec 5 000 producteurs de noix de coco dispersés aux Philippines ?

La Fondation pour le Développement Rural Intégré (IRDF), une ONG philippine, met en œuvre le projet Noix de coco – Livelihoods sur l’île de Mindanao et en assurera le suivi pendant 10 ans. Arze Glipo, la directrice d’IRDF, explique le rôle de son organisation dans ce projet et les défis devant elle.

Arze Glipo, directrice d’IRDF
Arze a confondé IRDF en 1989. Elle travaillait comme coordinatrice de formation dans des projets à destination de communautés rurales et a identifié le besoin de lier les programmes pédagogiques à des opportunités économiques. Elle a invité des producteurs, des personnes du monde du développement ainsi que des enseignants a bâtir une organisation de terrain pour soutenir les associations d’agriculteurs. IRDF est maintenant une ONG reconnue aux Philippines et très active au niveau international, notamment pour la défense des droits des communautés rurales dans les accords commerciaux. Avec le projet Noix de coco – Livelihoods, IRDF peut passer ses actions à l’échelle avec le soutien du secteur privé.

En quoi consiste l’approche « intégrée » d’IRDF avec les petits producteurs et quel sera le rôle de votre ONG dans le projet Noix de coco – Livelihoods ?

Arze Glipo : IRDF est une organisation de développement sociale créée il y a environ 30 ans. Nous avons commencé par travailler sur les droits fonciers des communautés rurales parce que quand les gens ont des terres, alors ils peuvent faire entendre leur voix. Nous travaillons actuellement avec près de 16 000 agriculteurs et pêcheurs dans différentes parties des Philippines. Notre travail commence avec la compréhension des besoins des gens et nous les regroupons en associations pour qu’ils trouvent des solutions ensemble. Nous développons par exemple des programmes sur la productivité des cultures, les enjeux liés à l’eau, l’accès à du financement et des machines suivant les besoins spécifiques des producteurs.
A Mindanao, là où est mis en œuvre le projet Noix de coco – Livelihoods, les producteurs veulent pouvoir augmenter leurs revenus issus de la noix de coco pour améliorer leurs conditions de vie. Aujourd’hui, les producteurs ont seulement affaire à des intermédiaires. Notre mission première sera de les aider à augmenter leur productivité et à les connecter directement à Franklin Baker, le transformateur avec qui nous travaillons au sein du projet Noix de coco – Livelihoods. Si les producteurs touchent une plus grande part du prix de la noix de coco, ils pourront réinvestir dans leur ferme et avoir accès à plus de services, de formations et de financements. Nous accompagnerons chaque producteur dans l’élaboration de sa feuille de route pour rendre leurs cocotiers plus productifs grâce à des fertilisants naturels, replanter des variétés plus productives et aussi pour diversifier leur production avec de noix de coco, de la banane, du cacao…

 

“Ce n’est pas simplement un programme d’approvisionnement mais un projet intégré qui va profiter aux producteurs et à leurs communautés”,
Arze Glipo, directrice d’IRDF

 

L.V. :Quels sont les plus grands défis à relever pour IRDF dans ce projet ?

A.G. : La taille du projet est un beau défi. 5 000 fermiers, c’est beaucoup mais notre équipe a les compétences nécessaires pour mobiliser les producteurs. Nous allons renforcer les organisations existantes et créer de nouvelles pour arriver à environ 50 associations et 10 coopératives d’ici 5 ans. Nous allons avancer pas à pas pour que chaque fermier devienne un acteur du projet et pas seulement un bénéficiaire. Nous sommes convaincus que quand ils verront que ce n’est pas simplement un programme d’approvisionnement mais un projet intégré qui va profiter aux producteurs et à leurs communautés, ils seront pleinement motivés et impliqués dans le programme d’approvisionnement direct.
Par ailleurs, c’est la première fois qu’IRDF travaille directement avec le secteur privé. Il a fallu apprendre à se faire confiance. Nous avons beaucoup discuté avec les équipes des Fonds Livelihoods et de Franklin Baker. Et nous avons découvert que nous partagions la même vision pour améliorer la vie des petits producteurs de noix de coco. Ce projet va profiter à tous et nous savons que nous pourrons compter sur le soutien des autorités locales. Le suivi du projet sur 10 ans nous laisse suffisamment de latitude pour ajuster nos plans en permanence pour nous assurer que nous remplissons les objectifs.

L.V. : Comment les femmes seront-elles impliquées dans le projet Noix de coco- Livelihoods ?

A.G. : Les femmes n’ont pas suffisamment d’opportunités économiques dans cette région. Elles s’occupent bien évidemment des enfants mais elles veulent être plus impliquées dans des activités de production. Tous les deux mois, elles épaulent leur mari pendant la récolte des noix de coco mais elles n’ont pas d’activité génératrice de revenus entre-deux. Les foyers ne peuvent pas dépendre uniquement de la noix de coco et les femmes joueront un rôle majeur dans la diversification des cultures promue par le projet. Elles seront formées sur de nouvelles cultures vivrières et de rente ainsi qu’à la vente dans des marchés locaux. Nous allons aussi les accompagner dans le lancement d’autres activités comme l’engraissement de cochons, l’élevage de volailles…
Grâce au projet, de nouvelles opportunités seront accessibles pour les associations de femmes. Par exemple, l’écorce de la noix de coco est aujourd’hui mise au rebut par les producteurs. Elle peut être transformée localement et valorisée en fibre pour fabriquer des filets, du matériel de plantation etc. Ainsi, des enrouleuses seront mises à la disposition des femmes pour qu’elles puissent tisser la fibre de noix de coco pour en faire des filets qui seront vendus localement. Il existe un marché pour ces produits et nous sommes simplement en train de donner aux femmes les moyens d’y accéder !

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