Les fruits de l’espoir – Le projet Livelihoods – Araku #2 en Inde

Bernard Giraud 
Président & Cofondateur de Livelihoods Venture

Manoj Kumar
Directeur général de l’ONG Naandi

Depuis 2010, le Fonds Carbone Livelihoods et l’ONG Naandi travaillent ensemble pour aider les communautés indigènes d’Araku, une vallée isolée de l’Inde, à restaurer leur écosystème naturel et développer une agriculture vraiment durable. En quelques années, 6 millions d’arbres ont été plantés et la qualité du café produit par les agriculteurs d’Araku a atteint une renommée internationale. Partant de ce succès, le Fonds Carbone Livelihoods et Naandi ont décidé de lancer un projet encore plus ambitieux à Araku : permettre à 40 000 agricultrices et agriculteurs de régénérer tout leur territoire et en faire un laboratoire grandeur nature de solutions innovantes pour le futur. Manoj Kumar, Directeur Général de Naandi, et Bernard Giraud, Président et cofondateur de Livelihoods Venture, reviennent sur le chemin déjà parcouru et celui qui reste à faire à Araku.

Que se passe-t-il à Araku, cette vallée isolée de l’Andhra Pradesh habitée par des Adivasis, ces peuples premiers de l’Inde si longtemps marginalisés et méprisés ? En une dizaine d’années, cette communauté rurale semble avoir retrouvé confiance en elle et l’espoir nécessaire pour se projeter dans l’avenir. Quelques signes révélateurs : les 25 000 producteurs et productrices organisés dans la coopérative de producteurs de café Araku rivalisent pour obtenir les meilleurs « crus » sur des terroirs sélectionnés et cultivés avec soin en biodynamie. L’ouverture en 2017 d’une boutique Araku Coffee dans le prestigieux quartier du Marais à Paris illustre le succès à l’international du choix de la très haute qualité. Elle a contribué à renforcer encore plus la fierté et la motivation des producteurs.

Depuis 2010, La Fondation Naandi et le Fonds Carbone Livelihoods travaillent ensemble pour aider les habitants d’Araku à reconstituer leur habitat naturel dégradé par la déforestation et l’érosion. Le moteur de cette reconquête a été d’associer la replantation à grande échelle par les communautés elles-mêmes à l’amélioration de leur revenu et de leur alimentation. Les millions de caféiers, manguiers, anacardiers, moringas, teak, etc, plantés sur des terres en friches ont déjà permis de constituer une immense forêt productive contribuant à stabiliser et enrichir les sols.

Aujourd’hui, Naandi et le Fonds Livelihoods franchissent une nouvelle étape avec le lancement du projet Araku #2 dont l’objectif est d’intervenir sur l’ensemble du paysage de la vallée. Du sommet des collines aux versants et aux rizières en fond de vallée, chacun des 130 villages impliqués dans le projet  va pouvoir structurer son territoire afin d’aboutir à une gestion durable et équilibrée de l’espace en s’appuyant sur une typologie qui leur est proposée par les équipes de Naandi : plantation de caféiers sous ombrage sur les versants rigoureusement sélectionnés sur des critères de sol, de pente, d’exposition ; systèmes agro-forestiers pour le développement de cultures céréalières locales à haute qualité nutritionnelle ; reforestation du sommet des collines déboisées ; réorganisation de l’élevage pour mettre fin à la divagation du bétail et en améliorer la productivité. Une unité centrale de fabrication de compost sera créée dans la vallée pour fournir les volumes et la qualité nécessaire de fertilisant organique.  Ce nouveau projet commencera au printemps 2019 et prévoit de planter 9 millions d’arbres sur 18 000 hectares. Outre son impact local, ce projet aura un impact climat significatif en permettant de stocker de 2,3 millions de tonnes d’équivalent CO2 ans les arbres et le sol sur la durée du projet (20 ans).

Un travail de précision pour un café de grande qualité
Une vue de la vallée d’Araku

Mais le plus important est la dynamique qui s’est créée et que ce nouveau projet va contribuer à amplifier :  des perspectives se sont ouvertes pour les habitants d’Araku qui ont vu des résultats tangibles. Un nombre croissant de jeunes se passionnent pour les nouvelles techniques de culture. Femmes et hommes participent activement aux discussions. On voit grandir la confiance en soi dans une population longtemps repliée et résignée. Cette dynamique s’appuie sur quelques principes simples que la fondation Naandi met en œuvre depuis l’origine : la culture traditionnelle des Adivasis, leur langue, leur organisation sociale, ne sont pas une survivance du passé, c’est un élément fondamental de leur identité et un levier pour se projeter dans l’avenir. Les équipes de Naandi, qui vivent et travaillent depuis des années avec les communautés de la vallée, ont une connaissance et un respect profonds pour ces communautés. Mais le management du projet Araku ne se limite pas à cela : c’est une subtile combinaison de bottom-up (écoute et participation au niveau du village, des groupes de fermiers) et de top-down (apport de solutions concrètes et d’innovations qui fonctionnent) qui a permis l’adhésion de milliers de fermiers.

Dans un pays engagé dans un développement économique intense, l’urbanisation rapide et une consommation croissante des ressources naturelles, les habitants d’Araku dont les ancêtres peuplaient les forêts de l’Inde, sont peut-être en train d’inventer un chemin original vers la modernité.
Une source d’inspiration pour nous tous ?

Photos: Hellio-Vaningen/ Livelihoods Funds; Agence Puppets; David Hogg.