Le projet vanille – Livelihoods à Madagascar : vers une transformation des rapports entre petits producteurs & industriels ?

Par Bernard Giraud,
Président & Cofondateur de Livelihoods Venture

Fin mai, les dirigeants de grandes entreprises se sont rendus ensemble à Madagascar pendant plusieurs jours pour voir sur le terrain comment le projet vanille – Livelihoods a engagé la transformation des rapports entre petits producteurs et utilisateurs industriels. Pourquoi ? Qu’est ce qui les a motivés ? Est-ce le signe d’un changement plus profond ? Ce projet malgache pourrait-il devenir un exemple des nouvelles pratiques d’approvisionnement durable qui restent largement à construire ?

Lorsqu’il y a deux ans, le Fonds Livelihoods pour l’Agriculture Familiale a été sollicité pour travailler sur une filière de vanille durable, nous avions vraiment le sentiment d’avoir à escalader l’Everest par la face nord : un marché très spéculatif, des prix très élevés, une qualité en baisse, des petits producteurs très pauvres exploités par des circuits peu transparents. En bref, une situation dont souffrent tout autant les paysans malgaches qui produisent les précieuses gousses que les industriels qui transforment cette vanille pour leurs consommateurs.

Dans ce contexte compliqué, le Fonds Livelihoods a fait le choix d’une approche visant à transformer en profondeur les conditions de production, de première transformation et de commercialisation de la vanille, en s’appuyant sur trois leviers : d’abord, un groupe d’entreprises – Danone, Firmenich, Mars et Prova- prêtes à s’engager à long terme (10 ans minimum) en soutenant le projet et en achetant la vanille produite durablement ; ensuite, la motivation de plusieurs milliers de petits producteurs de la côte Est à s’engager dans une démarche de qualité ; enfin, l’expérience de Fanamby, une ONG malgache qui a déjà démontré sa capacité à organiser les producteurs et à conduire des projets prenant fortement en compte les dimensions économiques mais aussi sociales et écologiques.

Après deux années d’un travail intense, le projet est sur de bons rails : plus de 600 producteurs sont maintenant membres des associations – avec l’objectif d’atteindre rapidement 3 000 ; plusieurs centaines de milliers de plants de vanille sont en pépinières ; les formations ont démarré dans les villages avec l’aide des techniciens de Fanamby. La construction du bâtiment de première transformation de la vanille est bien avancée. Propriété des associations de producteurs, il permettra de capter au profit des fermiers la valeur qui aujourd’hui leur échappe. Les industriels partenaires du projet ont commencé à acheter la production locale et vont intensifier leurs achats cette saison. Les autorités locales ont compris l’intérêt de ce projet pour la région et se sont fortement engagées. Des partenariats sont aussi en discussion pour la protection de la riche biodiversité de cette région et pour assurer la sécurité alimentaire par une diversification des productions.

Ce qui se joue plus particulièrement dans ce projet, c’est la remise en cause de ce qu’on a appelé les « commodités » qui ont dominé les logiques d’approvisionnement industriel ces dernières décennies. La vanille, le cacao, le sucre, etc. sont devenus des matières premières mondiales banalisées au même titre que l’essence ou le minerai, caractérisés par des prix et des normes techniques. Cette « déconnexion » de la chaîne alimentaire nous a largement fait perdre le lien avec l’agriculture et les agriculteurs. Or, nous assistons aujourd’hui à un vaste mouvement de « reconnexion » – pour tracer l’origine des productions et donc les conditions sociales et environnementales de ces productions – qui devrait s’accélérer et s’amplifier avec des technologies comme la blockchain. Le lien entre industriels et producteurs agricoles se trouve de fait à reconstruire. Le projet vanille – Livelihoods à Madagascar vise à créer une relation commerciale de long terme qui bénéficie aux producteurs comme aux industriels et aux territoires. Il s’agit de sortir d’un cercle vicieux enchaînant pauvreté, qualité médiocre des productions et dégradation de l’environnement. Les entreprises partenaires participent à la gouvernance du projet avec les représentants des producteurs et avec l’ONG Fanamby et discutent ouvertement des problèmes et des solutions. Un facteur clef du changement est l’investissement dans la durée réalisé par le fonds Livelihoods et ses partenaires.

Le chemin est certes difficile mais cette relation de confiance qui se construit progressivement et que la visite des dirigeants d’entreprises a permis de renforcer est certainement la meilleure garantie de succès.

Le projet vanille – Livelihoods en bref